LA NUIT JUSTE AVANT LES FORÊTS.

Installation In-Situ, dessin au fil sur lin, arches en diptyque, 195/240cm, 2013, Plozévet.


« La Chapelle de la Trinité couve de son emprise protectrice ce qui fut jadis un hameau de brodeurs bigoudens, communauté aristocratique, marginale, dont la production contribuait au patrimoine d’une civilisation très portée sur l’expression artistique : musique, danse, contes, sculpture décorative et religieuse et enfin costumes : si riche, et divers dans ses codes rigoureux mais toujours en mouvement. Le costumes et ses broderies étaient sans doute l’expression la plus “démocratique” et la plus intime à la fois, de l’appartenance à cette civilisation.
Le travail de Nastasja Duthois ne revendique pas de filiation avec cette tradition pas plus qu’il n’est un commentaire sur les “travaux d’aiguilles” bien souvent considérés comme l’apanage du domaine féminin. Elle a trouvé dans la broderie une interface qui permet de soulager le dessin de sa charge émotive instantanée sans renoncer à la sensualité du matériau.
Ce sont des images aux textures inédites qu’elle nous propose. La virtuosité graphique qui emprunte à la photographie et aux manipulations numériques trouve ici une incarnation plastique originale, source de sensations nouvelles, résultant du télescopage inattendu entre une image très contemporaine et le substrat artisanal auquel renvoi le tissu et sa décoration dont nous évoquions un des aspects les plus remarquables dans sa version bretonne.
Cette transmutation de l’image se fait par la vertu d’un geste élémentaire aussi simple que millénaire qu’on pouvait penser désuet, prisonnier de la banalité d’un usage prosaïque et qui, soudain affranchi de ses fonctions utilitaires et décoratives retrouve ici une innocence presque intimidante. »

Texte d’Yvain Bornibus, directeur artistique d’Arts à la Pointe.


« Le second grand format, je l’ai découvert dans la chapelle de la Trinité, Nastasja l’avait investie par deux arches en lamellé-collé épousant parfaitement le double battant du sanctuaire bigouden. Au milieu d’une futaie aux troncs lumineux, deux jambes dont les genoux et les chevilles sont soulignés apparaissent. Sur la première arche, elles sortent du bois. Sur l’autre, elles parcourent le chemin inverse ; La nuit juste avant les forêts est encore une œuvre forte qui nous désoriente.  

Force est de constater que l’art contemporain trouvait tout naturellement sa place dans une chapelle vieille de près de quatre siècles, lui donnait vie en attirant non seulement des passionnés d’art mais aussi des touristes conquis par ce site respirant fort le grand large. Nastasja Duthois s’exposait en terre bigoudène devant un petit peuple attentif à la broderie et dont les femmes en firent un art populaire, que cela soit dans leurs costumes réservés aux grandes cérémonies religieuses comme dans les napperons qu’elles vendaient lors des pardons ou sur les marchés non seulement de Bretagne mais aussi de Paris. Elles furent nombreuses à venir à la Chapelle de la Trinité voir le travail de la jeune artiste ! J’ignore si elles se retrouvèrent dans ses tableaux grands ou petits. Ce que je sais, c’est que les plus âgées d’entre elles furent rassurées sur la pérennité de leur art. »

Texte de Daniel Yonnet, critique littéraire et artistique.